Suite au troisième réexamen de sûreté effectué sur le réacteur n°5, du 11 juin au 20 décembre 2011, l’ASN a établi son projet de décision pour autoriser la poursuite de la production d’électricité nucléaire de ce réacteur jusqu’en 2022 et l’a mis conformément à la loi en consultation publique sur le site web de l’ASN du 23 juin au 14 juillet 2014.
Nous sommes scandalisés de cette proposition du « gendarme du nucléaire » faite le 20 juin 2014, car, lors de la visite décennale de ce réacteur n° 5, il a été constaté une augmentation significative du taux de fuite de son enceinte de confinement nécessitant un nouveau contrôle avant fin 2016.
L’enceinte de confinement, cylindre avec toit sphérique en béton visible à l’approche du site nucléaire, est la troisième et dernière barrière de confinement de la radioactivité avant rejet dans l’environnement. C’est un composant essentiel mais irremplaçable et donc vieillissant qui devrait conduire à l’arrêt définitif du réacteur en 2016 si les fuites sont toujours présentes.
Cette décision de l’ASN de prolongation jusqu’en 2022 de la production nucléaire de ce réacteur n°5 sans attendre les nouveaux tests de 2016, est vraiment choquante, très préoccupante parce que très dangereuse. Rappelons que ce réacteur a été mis en service en 1979 ; cela fait 35 ans et il serait autorisé à fonctionner jusqu’en 2022, soit 43 ans !!! Les différents éléments de ce réacteur ont déjà notablement dépassé leur durée de vie prévue à l’origine, leur fiabilité devient donc très aléatoire ! Cette prolongation jusqu’à 43 ans va inévitablement générer des incidents, voire accidents un peu plus avec chaque jour qui passe !
De très nombreux incidents surviennent ces dernières années sur le site nucléaire du Bugey. L’année 2013 a totalisé 71 incidents, dont 12 classés en niveau 1 sur l’échelle INES (4 concernant le réacteur n° 5) et 2014 s’annonce semblable avec déjà, fin juin, 28 incidents dont 7 de niveau 1. En 2013, Bugey 5 a subi un incendie de son alternateur le 24 juin, puis la défaillance d’une vanne et les fuites d’une autre vanne qui ont conduit au déclenchement du plan d’urgence interne le 2 août. La vanne défaillante a été rafistolée ….puis, suite à de nouveaux problèmes elle a été définitivement remplacée en janvier 2014 (mais il a été constaté que 11 autres vannes présentaient le même défaut).
La visite décennale aurait normalement dû avoir lieu en 2009 mais elle n’a été effective qu’en 2011 et l’ASN va seulement en 2014 donner son accord pour une prolongation de fonctionnement. Ce réacteur a donc fonctionné sans autorisation explicite et officielle pendant 3 ans ! L’ASN a fixé dans son projet de décision, des prescriptions complémentaires, autrement dit des injonctions de travaux ou d’organisation dont la réalisation serait exigée pour certains en 2014 d’autres en 2015 ou 2016. Ce qui revient à dire que les faiblesses, voire les défauts relevés sont censés ne pas entraîner … d’accidents avant leur correction… Cela laisse rêveur dans un pays ou le respect du contrôle technique de votre voiture est fermement exigé… sans retard… La plupart de ces défauts à corriger résultent de l’accident de Fukushima.
Le choix de ces dates est choquant car on va laisser fonctionner un réacteur pendant encore plusieurs années avec des défauts importants de sûreté, alors que ce réacteur n° 5 est actuellement à l’arrêt pour un grand « lifting » chimique de ses générateurs de vapeur. Pourquoi ne pas donner comme échéance à tous ces travaux le 31 décembre 2014 ?
L’ASN veut probablement étaler les coûts de ces travaux pour EDF, mais l’économie doit-elle passer avant la sûreté ? On veut continuer à nous faire croire que le nucléaire est bon marché alors que ces coûts ne font qu’augmenter et, pour cela, on va jusqu’à amputer la sécurité des installations. La loi oblige l’ASN à soumettre ses décisions à une procédure de participation du public. Cette possibilité d’expression est mise sur le site de l’ASN sans autre publicité.
Pour le projet de décision concernant Bugey 5, c’était du 23 juin au 14 juillet 2014 ; nous n’en avons pris connaissance que début juillet. Cette décision d’autoriser la poursuite de la production nucléaire du réacteur n°5, au mépris de risques majeurs sur toute la région, le pays et à nos voisins suisses, a suscité plus de 1 000 réactions d’indignations, de critiques, en moins de 2 semaines sur le site de l’ASN. Ces nombreuses réactions, dont bon nombre venant de la population locale montre l’inquiétude de plus en plus grande vis à vis des vieilles centrales nucléaires françaises et ne font que confirmer notre association dans sa demande de fermeture des réacteurs nucléaires n° 2, 3 4 et 5 du site de Bugey et cela sans attendre. Dans le même temps où elle prend cette décision, l’ASN admet qu’un accident nucléaire est probable …
Comme Fukushima et Tchernobyl nous le démontrent, ce sera la mort de la région concernée et cela mettra à mal la France entière. Peut-on espérer que ces réactions amènent « le gendarme du nucléaire » à modifier sa décision, à prendre en compte ces critiques et à exercer ainsi sa mission, à savoir assurer la sécurité des personnes, avant la rentabilité des sites nucléaires ?
L’association Sortir du nucléaire Bugey 28 impasse des Bonnes 01360 Loyettes