Chronique 1 – 27 décembre 2012
Ça y est, la fin du monde est derrière nous. Merde, encore raté !
Ça devient rageant à la fin, toutes ces apocalypses annoncées qui foirent lamentablement !… On doit en être au moins à la 128ème depuis le moyen-âge, et pas une qui ait vraiment marché… On avait bien eu de vagues espoirs avec la peste, surtout la première vague, au 14ème , qui était très prometteuse. Hélas, au final un bide total, et encore pire pour le choléra et autres pandémies qui ont tenté (mais sans conviction) de prendre le relais.
Bon, au 20ème , ça semblait bien parti, une, puis deux guerres mondiales, et là, on avait mis les moyens : du lourd, du technologique bien gras et bien dodu, avec en conclusion une guerre froide à faire baver d'envie tous les prophètes de malheur : des têtes nucléaires dans tous les coins, des virus vicelards aiguisant avec appétit leurs toxines dans les sous-sols du Kremlin et du Pentagone, et pour emballer le tout, des petits gaz bien mimis, sarins, Vx et j'en passe, qui te transforment en deux temps trois mouvements le sommet de l'évolution en une masse baveuse et tremblotante sur la moquette du salon.
Bref, ça roulait, y'avait plus qu'à allumer la mèche…
Et vlan, voilà-t-y pas que le mur s'effondre, que la guerre froide tiédit, que les diplomates diplomatisent, que les peuples fraternisent (plus ou moins, n'exagérons rien).
Bon, les gaz, les crobes et les fusées sont toujours là, qu'on se rassure, et toujours en quantités suffisante pour détruire la planète, (voire même, allez, tiens, pour le même prix, je vous fais aussi la Lune et Mars), mais le cœur n'y est plus, mon bon monsieur… Même Al Quaïda et ses méchants barbus-gnafrons, là, on le sent bien, c'est pas du très solide, le marketing a beau mettre le paquet, on doute, on doute…
Alors, quoi faire?
C'est là que je voulais en venir, un peu de patience !
Nous, dans le Bugey, on est des winners, on y croit, on se bagarre…
On s'est dit : la fin du monde, ça nous tombera pas tout cuit dans le bec. Faut bosser chacun dans son coin, puis réunir les bonnes initiatives et aller au charbon (Ah! Le charbon… encore un qui nous a donné de faux espoirs…). Bref, on s'est dit, on a déjà la Centrale avec ses 4 réacteurs, mais ça suffit pas. Faut assurer le coup, faut mieux que ça, faut aller plus loin! C'est vrai, faut bien dire, une centrale qui pète, c'est quoi ? Après Tcherno et Fuku, on commence à avoir des estimations scientifiques fiables : à tout casser 2000 ou 3000 km² de foutus pour quelques milliers d'années? C'est un début, certes, mais ça manque un peu d'envergure (j'allais dire de panache, mais là, faut reconnaître qu'on peut pas leur reprocher ça, vu que le panache en question a diffusé peu ou prou, un peu partout).
Bon, bref, comment aller plus loin, qu'on s'est dit ? La voie des airs c'est fait. Reste la mer, on a vu à Fuku que c'est vachement efficace, seulement voilà, nous, dans le Bugey, on a plein de trucs, mais on a pas la mer…
Ah, ça y est, vous me voyez venir : on a pas la mer, mais on a presque mieux : on a un fleuve! Et pas n'importe lequel, tiens. On a le RHÔNE !
Alors voilà, on tenait notre plan. On s'est dit : on va faire ICEDA ! C'est-y pas de la balle, mon gars ? 5000 tonnes de déchets radioactifs entreposés pendant au moins trente ans (un minimum) à quelques mètres de notre beau fleuve national, qui n'attendront que le moment propice pour s'infiltrer, se diluer, s'épancher, se fondre, bref pour contaminer cette magnifique voie de communication. Un vrai bonheur! Quelques fissures par ci par là, une petite inondation de derrière les fagots (avec le réchauffement climatique, tous les espoirs sont permis) un barrage qui pète (on a même prévu le coup, on a Vouglans juste en dessus, le béton dans les starting-block blocs, t'as vu un peu les pros ?), bref, c'est pas les occases qui vont manquer, pas d'inquiétude…
Et après, vogue la galère : avec un débit de 800 m3 a la seconde, Lyon a trente bornes en aval et la vallée du Rhône en embuscade juste après, pas besoin de sortir les calculettes pour voir qu'on peut faire un très, très gros coup!! 400 km de berges radioactives, hein, les gars, ça viendra d'où? De chez bibi! du Bugey!
Je vois d'ici les regards admiratifs, les commentaires élogieux, les manchettes de journaux envieuses dans le monde entier… Ah mes amis, y'en a qui vont en crever de jalousie, moi je vous le dis!
En plus, on a fait ça bien, hein, scientifiquement, s'il vous plait! Par exemple, récemment, on a fait un test grandeur nature avec du tritium, pour voir si ça s'infiltrait bien dans le sous-sol : nickel, mec! Maintenant, y'en a plein la nappe phréatique sous la centrale, on a même dépassé les objectifs, on est a plus de vingt fois la norme, hein, qui dit mieux ?…
Bon, mais tout ça, c'était du boulot, et pas gagné d'avance, en plus. On a eu un peu peur avant les élections : malgré les sondages, on se disait : et si la gauche passait ? On serait mal barrés! Heureusement, c'est Hollande qui a gagné… Ouf! : le nucléaire était sauf…
Après, il a fallu assurer côté élus, et là, on doit reconnaître que le conseil municipal de Saint-Vulbas ne nous a pas déçus : quasi comme un seul homme, ils ont voté pour le projet ICEDA, confirmant que tout le pognon nucléaire qui arrose la commune depuis trente ans n'a pas été gaspillé. Y'a quand même des gens qui ont de la reconnaissance, tiens! Et comme la population locale dort sagement, assise sur ses cadeaux de Noël, en rotant discrètement le foie gras et les huitres, les neurones bien branchés sur la propagande qu'EDF, Areva et consorts nous servent depuis… Hououou! Je compte même plus!, tout baigne…
Maintenant, à part quelques petits détails à régler, et quelques rares importuns qui essaient encore de nous mettre des bâtons dans les roues, l'avenir nous paraît radieux, ha, ha, désolé, c'était plus fort que moi, fallait que je la fasse…
Allez, mes chers amis et futurs (peut-être) survivants, finissons sur cette note optimiste en nous souhaitant à tous de bonne fêtes et une année bien pleine de déchets radioactifs !
Après tout, on l'aura bien méritée !
Dr NO