ICEDA*, ces 5 lettres sans doute mystérieuses pour la plupart des habitants de
l’agglomération lyonnaise, cachent en fait le nom d’une future poubelle atomique mais
aussi la future plaque tournante du trafic des déchets nucléaires sur la commune de
St Vulbas (située à 30 km du centre de Lyon et à peine 60 km à vol d’oiseau de Genève).
Elle doit accueillir sur la commune de St Vulbas les déchets les plus radioactifs du
démantèlement des réacteurs nucléaires comme la cuve de Brennilis dont le débit de dose
est estimé en centaine de Sievert par heure. Une dose reçue de 6 Sieverts entraîne la
mort.
Ce site doit reconditionner tous les déchets qui vont lui parvenir des 20 centrales
nucléaires , c’est-à-dire les cisailler, les compresser et sans doute également les déclasser
afin de rendre moins coûteux le stockage à long terme. Ces opérations vont générer des
rejets gazeux comme le tritium (hydrogène radioactif) jusqu’à 8 fois supérieurs à ceux de
la centrale du Bugey. Et les riverains devront supporter le ballet incessant d’au moins 10
convois par mois pendant au moins 50 ans avec le risque d’accident, d’irradiation et de
contamination que comporte tout transport de matières radioactives.
Après une enquête bâclée au début de l’été 2006, malgré les protestations de quelques
habitants et du conseil municipal de St Vulbas, la création de l’ICEDA est autorisée par
décret ministériel en avril 2010. Plusieurs associations de protection de l’environnement **,
un serriste, la ville de Genève dénonceront devant le Conseil d’Etat tous les manquements
du dossier, les insuffisances de l’étude d’impact, les risques falsifiés d’inondation en cas
de rupture du barrage du Vouglans, le risque de pollution de la réserve d’eau potable de
Lyon sans parler du non respect de la directive européenne 85/337 sur la participation du
public. Le devis estimatif du projet frôle curieusement la barre des 300 millions d’euros
sans la dépasser ce qui lui permet d’échapper à tout débat public alors que l’ICEDA est la
pièce centrale du démantèlement des installations nucléaires qui engage plusieurs
milliards d’euros.
Son permis de construire sera annulé par 2 fois par le tribunal administratif de Lyon en
2012 pour non respect du PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui spécifiait que : « sont
interdites toutes les occupations et utilisations non liées et nécessaires à l’activité de la
centrale ». Or cette installation doit accueillir les déchets nucléaires de toute la France et
des 9 réacteurs en démantèlement (Brennilis, Bugey, Chinon, Chooz, St Laurent, Malville)
.
Qu’à cela ne tienne, EDF fait pression sur la commune de St Vulbas pour réviser son PLU
de façon simplifiée. Avis favorable d’un commissaire complaisant qui acte la dépendance
de la commune vis-à-vis d’EDF, «considérant les liens anciens et étroits de la
commune de St Vulbas avec EDF, exploitant de la centrale BUGEY, liens non
seulement économiques mais sociaux, culturels et sportifs…. ». Un nouveau permis
est obtenu dans la foulée. Mais les riverains et la nouvelle association SDN Bugey créée
après la catastrophe de Fukushima, réagissent, déposent un recours dénonçant les
violations de la procédure accélérée. La justice leur donne raison, rendant la procédure de
révision caduque ainsi que le nouveau permis.
Alors peu importe, EDF attaque devant le Conseil d’Etat, le jugement initial d’annulation du
premier permis de construire confirmé par 2 fois par le tribunal de Lyon et obtient gain de
cause en mars 2014. Le Conseil d’Etat interprète de façon surréaliste « sont interdites
toutes les occupations et utilisations non liéees et nécessaire à l’activité de la centrale » du
PLU de St Vulbas par « n’imposant pas que ces travaux aient pour objet exclusif de
répondre à ses besoins ». En clair, le Conseil d’Etat transforme l’interdiction en
autorisation totale sous prétexte qu’elle va accueillir un peu les déchets de la centrale du
Bugey, elle pourra accueillir donc tous les autres. Tordu, non ? Surtout quand on sait que
la rédaction en 2008 de cette interdiction spécifiée dans ce PLU y a été mise pour
justement ne pas accueillir les déchets d’ailleurs. Le tribunal de Lyon est contraint de se
déjuger et de suivre celui du Conseil d’Etat. Aurions-nous ici la confirmation de «l’Etat
nucléaire» comme l’écrit Corinne Lepage dans son dernier livre ?
La construction de l’ICEDA du Bugey va reprendre, en ayant piétiné toute tentative
d’ouverture de débat sur la question du démantèlement des installations nucléaires.
Certes, une plainte est en cours devant la commission européenne déposée par les
associations en août 2013 pour absence de désignation de l’autorité environnementale,
autre entorse que s’est permis le Conseil d’Etat dans son jugement très alambiqué du 1er
mars 2013 pour rejeter les argumentations des associations.
La convention d’Aarhus et la directive européenne 85/337 définissent expressément dans
leurs annexes que pour les démantèlements et les stockages de déchets nucléaires, la
participation du public doit être faite le plus en amont possible du projet quand toutes les
options sont possibles.
Depuis l’annulation en juin 2007 du décret de démantèlement complet de la centrale
nucléaire de Brennilis pour défaut d’information du public et absence d’enquête publique ,
les associations soutenues par des milliers de citoyens n’ont eu de cesse de réclamer
l’ouverture du débat sur la question du démantèlement (courriers aux ministres,
procédures juridiques, pétitions, communiqués etc…) alors que volontairement les projets
sont morcellés pour empêcher une vision globale du dispositif Démantèlement, Déchets,
Transports qui nous concerne tous.
Le nucléaire a été imposé sans aucun débat démocratique, refusons d’être spoliés de nos
droits et exigeons que les textes européens soient respectés : le démantèlement est un
problème d’intérêt général qui met en jeu la santé des travailleurs et de la population sans
compter les milliards d’euros en jeu dans ce dossier. La moins mauvaise option doit être
décidée par les Français de façon démocratique. Et celle de la future plaque tournante
ICEDA avec des convois venus de toute la France est la pire des options.
*ICEDA est l’abréviation de Installation de Conditionnement et d’Entreposage des Déchets Activés.
** 1/ AHDE :Association Hiéroise de la Défense de l’Environnement, mairie 2/ CRIIRAD : Commission de
Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité, 3/ CRILAN : Comité de Réflexion,
d’Information et de Lutte anti-nucléaire 4 / Médiane, 5/ Bretagne Vivante 6/ Sortir du nucléaire Cornouaille
7/ Vivre dans les Monts d’Arrée- AE2D Agir pour un Environnement et un Développement Durable s’est
jointe à la plainte européenne voir http://www.sortirdunucleairecornouaille.org/spip.php?article142
Rédaction : Chantal Cuisnier (02 98 53 81 79) relecture Elisabeth Brenière
Avr 27 2015
ICEDA du Bugey, plaque tournante des déchets nucléaires :
un exemple flagrant du passage en force de l’industrie nucléaire. ou l’art de faire plier la justice pour imposer ses projets
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